PYTHAGORE – LE PHILOSOPHE DE LA GNOSE
Pythagore, nous dit-on, serait né vers 580 avant notre ère à Samos, en Grèce. Il fit de nombreux voyages dans sa jeunesse et aurait reçu au cours de ceux-ci, ainsi que le rapporte Porphyre dans sa «vie de Pythagore », de nombreuses initiations : égyptienne, phénicienne, perse, chaldéenne touchant aux arts sacrés les plus divers, géométrie, arithmétique, astrologie, magie et médecine puis il aurait reçu les plus hauts grades de plusieurs mystères grecs avant d’établir son école et de dispenser son enseignement auquel il donna le nom de philosophie.
« Pythagore de Samos se rendit en Egypte, où il se mit à l’école des Egyptiens, et fut le premier à introduire en Grèce la philosophie ; et particulièrement pour tout ce qui est rites et pratiques cérémonials dans les sacrifices il fit montre d’un zèle plus manifeste que les autres. »
Aucun écrit de Pythagore n’est parvenu jusqu’à nous. Cela n’exclut pas qu’il ait écrit et que ses écrits aient circulé jusqu’au début de notre ère. Ainsi, Jamblique nous dit dans sa Vie Pythagorique :
« L’exactitude avec laquelle la doctrine pythagoricienne a été conservée est étonnante, car, pendant de fort nombreuses générations – cela est manifeste -, personne n’a pu avoir accès aux archives de Pythagore avant l’époque de Philolaos, qui fut d’ailleurs le premier à éditer les trois livres que l’on sait. »(
Sa parole fut gardée et diffusée par ses disciples de la Grèce antique, élèves puis animateurs des écoles pythagoriciennes dont certains se sont faits un nom bien que nous n’ayons pas d’écrits pouvant leur être attribués : Hipparion de Métaponte, Héraclite d’Ephèse, Alcméon de Crotone, Hippon de Samos, Hippocrate de Chio, Philolaos de Crotone, Archytas de Tarente, et Xénophile de Chalcis.
Platon et Aristote reçurent vraisemblablement des enseignements auprès de pythagoriciens et sinon eurent connaissance des éléments de la doctrine dont ils reprirent une partie des conceptions et thèses qu’ils développèrent et enrichirent.
Ce sont dans les quatre premiers siècles de notre ère, les philosophes alexandrins, Apollonios de Tyane, pythagoricien, Noumenios d’Apamée, Porphyre et Jamblique, néoplatoniciens, adeptes de la doctrine pythagoricienne, puis les érudits latins très instruits des théories pythagoriciennes, Macrobe Varron, Vitruve et enfin au Vème siècle, Stobée, qui nous ont transmis la biographie de Pythagore et le contenu de la doctrine pythagoricienne revue et corrigée à la lumière de la pensée platonicienne. Porphyre et Jamblique ont l'un et l'autre écrit une vie de Pythagore assortie de commentaires sur la doctrine. Vitruve nous a légué un traité d’architecture fondé sur les théories des harmonies et des correspondances ; enfin Stobée a établi une version des Vers d’Or pythagoriciens qui a éclairé des générations d’initiés jusqu’à notre époque.
Les pythagoriciens, suivant la proclamation même de Pythagore et son enseignement, considèrent que la philosophie est une initiation et qu’elle intègre l’ensemble de la connaissance.
Les écoles pythagoriciennes, celles créées par Pythagore en Grèce puis en Italie grecque et celles qui se développèrent ensuite sur l’initiative de ses disciples, peuvent comporter jusqu’à plusieurs centaines d’adeptes, répartis suivant des degrés et soumis à des épreuves ; la première épreuve étant celle du silence imposé aux novices pour une période de cinq ans, selon ce que nous a rapporté Jamblique.
L’enseignement concerne l’ensemble des arts libéraux, dont il est fait référence dans les textes fondateurs de la franc-maçonnerie moderne, le manuscrit Cooke et les Constitutions d’Anderson, le trivium : la grammaire, la rhétorique, la dialectique et le quadrivium : l’arithmétique, la musique, la géométrie, l’astronomie. S’y ajoutent l’éducation morale, la magie, la politique et la médecine.
S’ils privilégient l’examen de conscience, la méditation et le travail sur soi-même afin de parvenir à un état supérieur de conscience et d’harmonie, les pythagoriciens, à l’exemple de Pythagore lui-même, n’excluent pas de leur champ de recherche et d’action les sciences et leurs applications techniques ainsi que la politique, englobant tout ce qui a trait à la vie sociale et à l’organisation des communautés humaines. Pythagore eut une action politique à Crotone et les pythagoriciens marquèrent leurs époques par des engagements et réalisations sociaux ainsi que par des découvertes dans le domaine des sciences, notamment celui de la médecine. Alcméon, médecin, aurait été le premier grec à entreprendre une dissection.
Chaque discipline enseignée dans les communautés pythagoriciennes est abordée à travers des clefs ésotériques dont les plus caractéristiques de la doctrine initialisée par Pythagore sont le symbolisme des nombres, le raisonnement basé sur les analogies et les correspondances ainsi que l’allégorie.
Le symbolisme des nombres et des figures ou plus précisément des nombres et du point est fondé sur l’idée émise par Pythagore selon laquelle «tout est formé conformément au nombre puisque dans le nombre réside l’ordre essentiel ». Le nombre associé à l’ordre conduit à l’unité, or l’image de l’unité est le point duquel naissent les lignes, puis avec les lignes se construisent les surfaces et les volumes. Enfin, à partir des surfaces et des volumes naissent les figures, tous les corps que les sens peuvent découvrir, analyser et éventuellement reproduire.
Le raisonnement basé sur l’analogie et les correspondances découle de ce que, du fait de l’unité du cosmos en son tout et en ses parties, les nombres et les figures se correspondent et par corrélation, les idées avec les formes. Ce qui est céleste est aussi terrestre ; ce qui est spirituel est aussi matériel ; ce qui est divin est aussi humain ; le bas est comme le haut, le microcosme est à l’image du macrocosme.
Pythagore a d’ailleurs, semble-t-il, établi le sens du mot cosmos qui signifie ordre, beauté, univers ; les trois termes constituant une trinité et ne pouvant être dissociés.
« C’est Pythagore le premier qui a donné le nom de cosmos à l’enveloppe de l’univers, en raison de l’organisation qui s’y voit. ».
La notion de cosmos est un principe essentiel, antérieur à toute tradition, à la Tradition primordiale qu’elle fonde et établit. Cette notion est universelle, en ce sens, qu’elle distingue le Tout comme une puissance qui unit, et chacune des parties comme étant liée au Tout. Cependant, l’ordre cosmique est secret ; il s’agit même du secret suprême, celui dont la révélation ne se ferra qu’au terme ultime de l’initiation qui est celle que nous appelons la mort.
La méthode allégorique consiste à opérer des substitutions de mots pour exprimer un caractère, une qualité voire un phénomène, une identité.
Quelques exemples des techniques opératoires que nous venons de décrire et une reproduction des Vers d’Or pythagoriciens, donneront un aperçu de la doctrine enseignée aux adeptes de la plus ancienne école philosophique grecque dont le message nous a été transmis :
- - le symbolisme des nombres et des figures :
- la TETRACTYS ou TETRADE, source de la nature éternelle, 1+2+3+4 = 10, représenté par des points formant un triangle qui forme un symbole secret sur lequel les disciples prêtaient serment.
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- une allégorie : Pythagore appelle la mer «larme ».
- une analogie : la fève et le fœtus – Pythagore ayant établi cette analogie, il interdit aux disciples de manger des fèves.
- - des correspondances : 1 – ciel – cercle ; 2 – terre – carré.
Les Vers d’Or
(d’après la version de Stobée)
Je vais parler au Sage : éloignez les profanes
Préparation
Rends aux Dieux immortels le culte consacré
Garde ensuite ta foi. Révère la mémoire
Des Héros bienfaiteurs, des Esprits demi-Dieux
Purification
Sois bon fils, frère juste, époux tendre et bon père
Choisis pour ton ami, l’ami de la vertu
Cède à ses bons conseils, instruis-toi par sa vie
Et pour un tort léger ne le quitte jamais
Si tu le peux du moins : car une loi sévère
Attache la puissance à la nécessité
Il t’est donné pourtant de combattre et de vaincre
Tes folles passions : apprends à les dompter
Sois sobre, actif et chaste ; évite la colère
An public. En secret ne te permet jamais
Rien de mal ; et surtout respecte toi-même.
Ne parle et n’agis point sans avoir réfléchi
Sois juste . Souviens-toi qu’un pouvoir invincible
Ordonne de mourir ; que les biens, les honneurs
Facilement acquis, sont faciles à perdre
Et quant aux maux qu’entraîne avec soi le Destin
Juge-les ce qu’ils sont, supporte-les et tache
Autant que tu pourras d’en adoucir les traits
Les Dieux, aux plus cruels, n’ont pas livré les sages.
Comme la Vérité, l’Erreur a ses amants
Le philosophe approuve ou blâme avec prudence
Et si l’Erreur triomphe, il s’éloigne, il attend
Ecoute et grave bien en ton cœur mes paroles
Ferme l’œil et l’oreille à la prévention
Crains l’exemple d’autrui, pense d’après toi-même
Consulte, délibère et choisis librement
Laisse les fous agir et sans but et sans cause
Tu dois dans le présent contempler l’avenir.
Ce que tu ne sais pas, ne prétends pas le faire
Instruis-toi ; tout s’accorde à la constance, au temps
Veille sur ta santé ; dispense avec mesure
au corps les aliments, à l’esprit le repos
Trop ou trop peu de soins sont à fuir ; car l’envie
à l’un et l’autre excès, s’attache également
Le luxe et l’avarice ont de suites semblables
Il faut choisir en tout, un milieu juste et bon.
Perfection
Que jamais le sommeil ne ferme ta paupière Sans t’être demandé : Qu’ai-je omis ? Qu’ai-je fait ?
si c’est mal, abstiens-toi ; si c’est bien, persévère
Médite mes conseils ; aime-les ; suis-les tous
Aux divines vertus, ils seront te conduire
J’en jure par celui qui grava dans nos cœurs
la Tétrade sacrée, immense et pur symbole,
source de la nature et modèle des Dieux
Mais qu’avant tout, ton âme, à ton devoir fidèle,
Invoque avec ferveur ces Dieux, dont les secours
Peuvent seuls achever tes œuvres commencées
Instruit par eux, alors rien ne t’abusera
Des être différents tu sonderas l’essence
Tu connaîtras de Tout le principe et la fin
Tu sauras si le Ciel le veut, que la Nature,
Semblable, en toute chose, est la même en tout lieu
En sorte qu’éclairé sur tes droits véritables,
Ton cœur de vains désirs, ne se repaîtra plus
Tu verras que les maux qui dévorent les hommes
Sont le fruit de leur choix, et que ces malheureux
Cherchent loin d’eux les biens dont ils portent la source
Peu savent être heureux. Jouet des passions,
Tour à tour ballottés par des vagues contraires,
Sur une mer sans rive, ils roulent aveuglés,
sans pouvoir résister ni céder à l’orage.
Dieu ! vous les sauveriez en dessillant leurs yeux..
Mais non, c’est aux humains, dont la race est divine,
a discerner l’Erreur, à voir la Vérité
La Nature les sert. Toi qui l’as pénétrée,
Homme sage, homme heureux, respire dans le port
Mais observe mes lois, en t’abstenant des choses
que ton âme doit craindre, en les distinguant bien,
en laissant sur ton corps régner l’intelligence,
afin que t’élevant dans l’Ether radieux,
au sein des Immortels, tu sois un Dieu toi-même.